Stories of old

Il y a vingt ans exactement, j’ai vécu au Japon pour la première fois pendant plusieurs mois. J’accompagnais Laure Tixier, résidente à la Villa Kujoyama, à Kyoto. Ce séjour japonais a complètement ancré ma manière de travailler. J’étais jeune artiste. Je me retrouvais dans un pays dont j’avais toujours fantasmé la langue, la musique, les traditions, les paysages et la technologie. J’avais préparé mon voyage en m’achetant ma première caméra DV. Plus de 1500€. Toutes mes économies de l’époque. Une Sony DCR TRV8. Je l’ai malheureusement noyé lors d’une chute dans la rivière Kamo-gawa de Kyoto à la fin de l’été. Lors d’un tournage avec des acteurs. Ce qui a pratiquement scellé le sort de mon rapport à l’écriture d’histoires et à la direction d’individus dans des films.
Quelques mois plus tôt, j’avais initié un projet de web-tv, nous étions en 2000 au moment de la première bulle Internet. Je prévoyais de développer ce projet au Japon. Raconter des histoires en filmant autour de moi et les rapporter au monde en les publiant en ligne sur mon site Internet. Chose qui semble complètement banale en 2020. Mais qui était une vraie nouveauté à l’époque. YouTube n’existait pas. Ni Facebook, ni Twitter, ni Instagram.
J’ai ainsi créé le projet « Stories »  en mars. Et complètement trouvé sa forme très vite en arrivant au Japon en mai 2000. Plan fixe. Sans début ni fin. De ce que je trouvais exceptionnel autour de moi, dans ce que je voyais, dans ce que je vivais, dans ce que je croisais. Je ne précisais que le lieu de captation. Je filmais comme si mon bras était équipé d’une webcam. Pour pouvoir compresser l’image sans perdre en définition. Qui était celle d’un timbre poste une fois en ligne. J’utilisais la ville comme cheffe opératrice. Mon œil était celui d’un artiste français qui découvrait un autre monde. Je portais le regard d’un touriste mais je n’en avais ni les gestes ni les attitudes. J’apprenais à travailler tout en restant fasciné sur ce qui se déroulait devant moi. J’étais en train de devenir ce qui me définit, un capteur d’images. Témoigner et rapporter.
Le titre et le propos de ce travail ne s’invente pas : je faisais simplement ce qui est devenu depuis quelques années un lieu d’expression commun pour des millions de personnes chaque jour à travers les réseaux sociaux. Je faisais des stories.
Ce travail a été montré par Reiko Setsuda à mon retour à Paris. Après quelques années, ces petits films ont changé de support et de noms avec leurs passages sur Facebook, même si le terme et le processus n’avait toujours pas été « inventé » par les géants du Web. Ils sont devenus des moments.

Pendant cette période de confinement, j’ai commencé la remasterisation de mes anciennes histoires. Je les réactive dans un premier temps là où elles sont censées avoir plus leur place. Sur Instagram. En mettant l’accent sur l’aspect historique de ce travail. Je les déconfine symboliquement aujourd’hui et je continuerai leur re-publication tout au long de l’année 2020.

2000 / 2020 / 2.0 Let me show you the world in my eyes : s.t.o.r.i.e.s.2.0

https://www.instagram.com/p/B_pqHiEnm-y/

English version by Google

   

Comeback @ Open your web #3

Voici la retranscription écrite d’une partie de ma conférence au Cent-Quatre à Paris, le 17 juin 2012 pour Open your web #3.
J’étais invité par Systaime (@systaime18) dans le cadre de Futur en Seine #FENS2012.

J’en profite pour vous signaler que Comeback fait maintenant parti du
SPAMM – SUPER ART MODERN MUSEUM
Une version spécifique HTML5 du projet est également accessible sur http://comeback.abcreation.net (Merci à Jérome pour son développement)

Comeback – conférence au Cent-Quatre, 17 juin 2012

Bonjour,
puisque je suis ici pour vous parler d’un projet spécifique, Comeback, un work-in-progress qui utilise Google Maps pour la confection des images et Twitter pour sa diffusion – et mon iPhone – je vais vous exposer le projet en détail.

Tout d’abord, je tenais à me présenter, je m’appelle Aurélien Bambagioni, je suis artiste, vidéaste sous le label abcreation.
Je développe une pensée organisée en systèmes cartographiques et j’ai une production visuelle formatée en série.
En gros, j’ai quelques grands ensembles de diffusion en ligne que j’alimente régulièrement, soit de vidéos, soit d’images ou de photographies.
Chaque espace a sa famille d’objets formellement identifiés.

J’ai toujours pensé et adapté mon travail plastique en fonction des moyens de diffusion. De l’institution – expositions – aux réseaux et ses phénomènes de mode – support – en passant par l’écriture et des formes variées d’édition.
abcreation.net qui existe depuis 1996 a longtemps a été un site de collection d’œuvres jusqu’à la première bulle internet, avant de devenir un site de diffusion et un portail vers un atelier-blog depuis quelques années maintenant.
Ma page Facebook ouverte en 2007, est un lieu de diffusion exclusive d’un projet de vidéos en ligne. All thoses moments. 30 secondes de moment que je qualifie d’unique.
 Une suite aux Stories qui alimentaient une webtv en l’an 2000 tenue depuis la Villa Kujoyma au Japon où nous étions en résidence ma compagne et moi-même.

Mon travail suit également l’évolution des technologies de captation. La caméra HD et le téléphone ont remplacé mes premières mini-DV. Les vidéos en 1920×1080 ont remplacé les 160×120 pixels des mes premières vidéos en ligne. (Un projet autour d’un cinéma fictif Coming Soon).

Donc Comeback.

« Le point de départ du travail était marqué par la volonté d’immortaliser le fait que j’étais revenu sur l’île du Château d’If, près de 25 ans après y être venu pour la dernière fois.
Enfant, c’est le lieu de mes rêves. Un endroit que j’observais depuis Marseille, où je venais en famille à presque chaque vacances scolaires.
Un lieu fantasmé depuis. Bien aidé par les lectures du Comte de Monte-Cristo et par les souvenirs de cette bâtisse aux pierres blanches.
En 2001, alors en post-diplôme à Marseille justement, j’avais pu le revoir de tout aussi loin.
Et j’avais travaillé autour d’un nom de domaine acheté pour l’année www.chateaudif.com, où je proposais de louer ou d’acheter le château.
En 2009, retour en famille. Mais cette fois je ne suis plus l’enfant. Je suis le père et ma fille me remplace dans ce cycle de vie. Même âge.
Et ce retour sur l’île à éterniser.
Pour moi c’est un travail sur l’identification où le statut de la photo de tourisme, toujours montrée de face, tient une place spécifique. Elle est souvent familiale afin de rapporter un souvenir.
Rarement pensée en tant que photo, cadrée sur des points totalement subjectifs et intime. Souvent annecdotique. Sans réel intérêt pour les autres en tous les cas.
Lors de mes séjours au Japon, je travaillais déjà sur cette façon de filmer le voyage. Dans une vidéo j’ai monté bout à bout tous les panoramiques que j’ai pu faire durant mes centaines d’heures de tournages instantané, dans cette idée de ramener l’environnement dans lequel j’étais, comme si j’étais totalement immergé.
Cette vidéo One day I will meet him toujours visible en ligne rend hommage au Mont Fuji, autre lieu de mes fantasmes d’enfants.
Que ce soit depuis Tokyo ou en passant à son pied en Shinkansen, je n’ai jamais pu le voir.
Jamais. Cette vidéo en est le témoignage. Je panote à des endroits où je suis censé le voir. En vain.
Pour le coup je pense que j’arrêterai Comeback lorsque mon petit point bleu trônera une fois pour toute sur la vue spatiale du Fuji San. »

Comeback#200

Voilà. Le 200ème Comeback est posté à peu près en même temps que la première bougie du projet est soufflée.

Chose amusante, j’espérais un screenshot plutôt spécial pour marquer le coup. Et bien c’est fait. En gare de Nîmes. Trois minutes pour immortaliser l’instant. Et puis le GPS n’a jamais voulu se locker à l’endroit où je me trouvais alors que, pendant que les datas se chargeaient, j’expliquais à ma fille qu’à Nîmes, il y avait la Maison Carrée et des arènes romaines. Et là surprise… Le petit point n’a jamais voulu bouger malgré les relances. Tant pis, c’est un vrai-faux Comeback mais tellement heureux que ça valait bien la peine de le publier, non ?
Voilà pour l’anecdote.

Après, ce projet est pour moi une vraie écriture liée au déplacement, à la déambulation et au tourisme. Un modèle rhizomatique mais avec un centre. Celui-là même où je me trouve au moment de faire la photo. Un témoignage autre qu’une simple vue frontale de ce que j’ai vu mais bien celle environnementale et totale d’où je me trouvais. Un « je suis passé par-là » numérique.
Sorte d’architecture augmentée de mes passages spécifiques (je fais un Comeback uniquement dans les endroits où je reste, où je passe pour une raison précise) je me plais à penser qu’un jour, ce travail puisse délivrer une vision extra-terrestre de mes allées et venues. Car on revient toujours au même endroit après en être parti. Et un jour on y reste.
Comeback

https://twitter.com/abcreation

One day i will meet him

La version webcam de ce projet disponible sur abcreation.net depuis 2002 n’est plus accessible, le fichier de la webcam que j’avais aspiré étant supprimé du serveur sur lequel il était hébergé.
Une vue d’une autre caméra est disponible maintenant chez un autre diffuseur visible sur YouTube, je la colle ici.

Ce projet de webcam détournée était en quelque sorte la fin « définitive » du film One day i will meet him. Sa suspension (temporaire ? – remplacé par un flux d’images en noir et blanc à rafraichir) fait perdre un peu de magie au film même s’ils fonctionnent aussi l’un sans l’autre mais j’avais pris l’habitude de les associer, notamment en installation (film + flux webcam).

Avec ce nouveau flux, l’association est de nouveau possible. (mise à jour en 2020)