Murs

Je viens de revoir David Tremlett à la galerie Jean Brolly à Paris cette après-midi. J’avais fait un film sur le montage d’une de ses expositions au Palais Jacques Cœur à Bourges en 1994 alors que je n’étais encore qu’étudiant aux Beaux-Arts.
Et ce film, était resté dans les cartons depuis… Bien que n’ayant jamais perdu trace de Tremlett, dont j’affectionne depuis particulièrement le travail, nous (l’équipe du commissarait de l’exposition « Murs » et moi-même) n’avions finalement jamais pu concrétiser l’édition de ce film à travers l’aval de David ou des gens qui le soutiennent. Désormais il vient de me donner le feu faire pour le mettre en ligne et que le film puisse désormais « vivre » de la sorte. Moment plaisant d’une nouvelle rencontre.

Flashback.
« Mur » est un film sûrement bourré de défauts. Un film timide et immature forcément. J’ai décidé de ne pas me replonger dedans et de le laisser intacte. J’en aurai forcément fait autre chose aujourd’hui… Mais c’est un objet qui me tient fortement à cœur pour de multiples raisons, toutes presque sentimentales…
Cette photo prise toute à l’heure en est presque un témoignage…  Le film sera en ligne bientôt quand je me serais occupé de faire le générique qui attend depuis… treize ans. Et de mettre ce projet en ligne.

Nuit Blanche 2006 #(par de-là) la clôture / watch

(par de-là) la clôture est terminé. Il sera présenté au Pocket Film Festival dans la catégorie « Itinéraire », au Centre Georges Pompidou lors de la Nuit Blanche, le 7 octobre à Paris.
we need ventilation y sera également visible à la demande et je participerai à une table ronde le samedi midi pour l’ÉESI. Et demi-tour est également bouclé.

(par de-là) la clôture, adaptation v.1.0 du roman La Clôture de Jean Rolin.
Un film d’Aurélien Bambagioni
Tourné avec un téléphone mobile, 9″
www.abcreation.net © 2006

Ce film essaye de comparer la situation socialo-urbanistique d’un des quartiers du nord de Paris entre le temps du livre (entre 1998 et 2000) et celui du film (2006) à travers une sorte de lecture (comme on pourrait lire un extrait d’un livre à quelqu’un au téléphone) de passages du début du roman de Jean Rolin en lieu et place des descriptions données par l’auteur. L’aspect fictionnel du livre a été gommé pour n’en garder que l’aspect documentaire.
« Sur toute la longueur du boulevard Ney, seuls deux bistrots portent le nom du maréchal : le premier à l’angle de l’avenue de Saint-Ouen, le second en bordure de la cité Charles-Hermite. On peut y ajouter l’entrepôt géré par la société Geodis, entre la porte de la Chapelle et la porte d’Aubervilliers. Avenue de la porte-de-Montmartre, une association de quartier est logée à l’enseigne du Petit Ney, et c’est également le titre du journal qu’elle publie. »

Mise à jour du photoblog.

Home

En refaisant la home de mon site général, je me suis dis qu’un petit espace pour les photos serait le bienvenue.
En effet je n’ai jamais considéré la recherche photographique comme un travail à part entière dans abcreation, donc du coup je suis souvent frustré par la non-monstration de certains clichés.
Du coup en ouvrant ce photoblog sur mon site, je peux à la fois mélanger des photos sans importances, des choix non-exhaustifs, des photos de travail, des photos comme ça, sans trop me soucier de leur statut. Si certaines se retrouvent être des « photos-photos » abcreation tant mieux.
Il me reste encore du trie à faire avant de pouvoir mettre en ligne toutes celles que je souhaite. Je le ferai au coup par coup.

Il ne me reste que quelques jours pour finir mon film (par de-là) la clôture, et faire le listing des films d’étudiants pour pocketfilm.

J’ai abandonné mon projet de soutenir ma canditure pour partir à Montréal en 2007. Pas la tête ni l’énergie en ce mois de juillet pour constituer un dossier digne de ce nom. On repousse tout en 2008 pour mon projet de livre…

Question d’oreilles

Après quelques échanges de mails avec Ryuichi Sakamoto et un problème récurent de calage sonore, indépendant de ma volonté, Ryuichi m’a lui même refait le mix de we need ventilation.
La nouvelle version est en ligne.
Avec un special mix de Ryuichi en quelque sorte. Au départ ce qui ne devait être qu’une simple participation tout juste anonyme à un projet collectif, se révèle au final être une collaboration de premier ordre (pour moi en tout cas !).

stop-rokkasho

Je viens de faire dans l’urgence we need ventilation pour le projet stop-rokkasho lancé sur le web la semaine dernière par Ryuichi Sakamoto.



Ce projet participatif consiste à télécharger des morceaux libres d’exploitation (creatives commons) écrit pour l’occasion par Sakamoto et quelques complices contre le projet d’implantation nucléaire lancé à Rokkasho, un petit village au nord de l’archipel japonaise.

On retrouve dans ce projet tout l’activisme vert du musicien japonais et sa réflexion très avancée de l’exploitation d’internet pour des projets politiques à travers la musique et la coopération artistique.

Le projet est totalement libre et téléchargeable en podcast sur iTunes.

Filmé avec un téléphone 3G. Remix homemade (ROKKASHO [HEOLMIX] by abcreation) à partir des pistes ROKKASHO [KEYBOARD ONLY] et ROKKASHO [A CAPPELLA ONLY]. Made on a Mac. Licence Creative Commons pour stop-rokkasho.org

Mon quartier au téléphone

Voilà je finalise mon projet 3G, pour Pocket Films. J’en suis à la phase d’adaptation. Celle du roman de Jean Rolin, La Clotûre. Un roman très riche en description, et qui se passe dans mon quartier.
Je dois maintenant tourner, monter et lire…
Je prépare également un projet de résidence pour mon deuxième livre. Et toujours beaucoup de travail pour l’ÉEsi.
Le documentaire et le reste est en stand-by… Évidement.

(Pique) Pocket Sharp

Hier on m’a volé mon vélo.
Mais on m’a prêté un téléphone Sharp 3G avec caméra pour Pocket Films édition 2006.
Le téléphone, je dois le rendre le 30 juin.
Si le voleur avait le bon goût de remettre mon vélo en lieu et place. Merci.

Le printemps, déjà

Que de retard de tous les côtés.
Mon nouveau projet de livre vient de plus ou moins tomber à l’eau, en tout cas pour cette année, faute de temps et d’organisation. Un mauvais timing, j’espère pouvoir le faire en 2007.
Pas touché aux photos de décembre.
Par contre j’ai fais l’acquisition d’un nouveau HD externe 400 GO pour enfin pouvoir me mettre sur mon documentaire. J’attaque le dérushage. J’espère ne pas être déçu.
Il faut aussi maintenant essayer de le faire coproduire.
Le travail à l’ÉESI est stimulant mais il me prend tout mon temps – ma structure de travail pédagogique n’est pas encore totalement en place, cela prend plus de temps que prévu. D’un autre côté, c’est très enrichissant et responsabilisant.
Demi-tour, nouveau film abcreation, est en cours de montage.
Pas touché aux stories non plus. Forcément.

Nouvelle version des « Stories », work in progress

Depuis longtemps j’ai envie d’enlever les Stories d’abcreation.net. Ce travail calqué à la fois sur le principe d’une webtv (programme à la carte) et le système des webcams (plan fixe) date d’il y a cinq ans.

Je l’ai depuis archivé et je le montre dans une forme qui ne me convient guère. Je pense que le Vlog devrait lui faire du bien, car finalement si l’on y réflechit de plus près, ça fait bientôt dix années que je travaille ce concept de poster des petites vidéos de façon récurente à travers mon site et maintenant que tout le monde le fait, il est temps de se rendre à l’évidence : il faut rentrer dans le rang.
Rattrapé par la patrouille. Non par la gloire.

Au mois j’ai l’impression de ne pas mettre trompé avec abcreation et pour moi dans une réflexion artistique, c’est essentiel.

Mobilité

Le Forum des Images de Paris organise les 7, 8 et 9 octobre 2005, un festival de films tournés avec les nouvelles générations de téléphones mobiles. Le festival pocket films.

Avec quelques uns de mes étudiants de l’École européenne supérieure de l’image de Poitiers, nous avons eut la chance de pouvoir expérimenter ces téléphones tout le mois de juin.

L’optique est vraiment intéressante et d’avoir ce petit appareil prêt à déguener à tout moment s’apparente aux premières expériences DV.
J’ai vraiment l’impression de me retrouver cinq ou six ans en arrière, tant au niveau de la prise de vue (simple, miniature) qu’au niveau du rendu en ligne. Petit format, compression qui s’apparente au cinépak ou au sorenson que j’utilisais pour mes premières vidéos mise en ligne en 1996/1998.
Cet objet semble taillé pour moi, pouvoir faire des Stories sans se perdre dans des considérations techniques. J’ai d’ailleurs une histoire intitulée imodo tournée à Kyoto en 2000 qui allait dans ce sens, tout faire avec un téléphone, ce qui était déjà presque le cas au Japon à cette époque avec le imode de NTTDoComo, arrivé seulement il y’a deux ans chez nous et avec qui le 3G est en concurrence.

Pour autant, je ne me suis pas servi de cet appareil en tant que téléphone ou plateforme de communication et d’échange. Pas assez de temps. Ou bien par ce que je me satisfais de mon bon (déjà) vieux mobile pour simplement causer par-ci, par-là…

Voici trois essais effectués avec un téléphone mobile 3G

Le Mans [remake]

Feedback

Train 3G

Mes nuits sont plus longues que vos jours

Depuis le mois d’août 2004, je travaille sur un projet de livre autour du forum de discussion du pilote de Formule 1 Jacques Villeneuve sur son site internet jv-world.com.
Pour être plus explicite, j’ai commencé au bout de six mois de participation à ce forum, à penser cet acte de lecture, d’écriture, d’analyse et de correspondance comme un travail de recherche en soi. Un travail quotidien, en plus d’un divertissement et d’une passion partagée. Une sorte d’atelier d’investigation. J’ai alors sauvegardé, organisé, trié et réorganisé tous les sujets et messages 2003/2004 du forum français pour qu’ils prennent la forme d’une sorte de fiction en temps réel.
L’évolution de la situation de Jacques Villeneuve vue à travers l’espace-temps du forum.
J’ai vraiment travaillé sur ce livre comme je le fais sur mes films.
Des tonnes de rush. Décortiquer, digérer et assembler.
Et adapter une interface écranique à une mise en page.

Ce livre va de novembre 2003 à septembre 2004, le temps exclusif de la sabbatique du pilote.
On se trouve face à un évènement global étalé sur presque un an, compilé d’une façon assez rare et nouvelle dans sa forme et dans son traitement. C’est ce qui a motivé le désir d’exporter l’expérience au-delà du réseau pour qu’elle devienne autre chose qu’un simple dépot au fond d’un tuyau au fil du temps. On y voit comment la presse, sportive ou pas, québécoises, française et internationale, internet ou papier, a réussi à faire de ce non-évenement en soi (le retrait provisoire d’une compétion sportive d’un de ses participants) un sujet récurrent et entêtant pour pimenter une saison sportive bien plate. On peut aussi y trouver une réflexion autour de la propriété intellectuelle sur le réseau, autour de la libre expression que permet internet et les forums de discussion en particulier. Et ce forum là justement, si spécial, développant de vrais rapports humains à travers et grâce à la technologie. Ces rapports si souvent critiqués et décriés mais qui pourtant existent et fonctionnent, ça je peux vous l’assurer !
Indirectement la piste de l’étude sociologique de ce forum, à travers une réflexion sur le langage, les moyens et les styles propres à chacun pour s’exprimer, le “parler” à travers les différences culturelles et sociales, est profondement présente dans le livre. Le tout est gommé par une seule et même passion, brisant aussi du même coup toutes les frontières de la francophonie.

Ce livre, c’est l’absence, le vide, le manque, la recherche sans fin.
Ce livre, c’est des points de vue partagés, des divergences, des déceptions et du stress qui n’en fini plus de monter.
Mais ce livre, c’est avant tout une histoire, celle de la saison de Formule 1 2004 vu du côté des stands.

[plastik]

Mail de Patrice Loubier, utilisé pour la revue [plastik] sur le collège invisible.

Bonjour Aurélien,

Comme le temps presse déjà pour notre projet de publication et que je n’ai pu encore accédé à l’ensemble de tes travaux via tes sites (les icônes de ton projet « Ninja’s Gate » notamment débouchant sur un « empty référence »), je t’envoie ce soir quelques observations sur ce que j’ai pu voir et me représenter de ta démarche, aussi générales ou hypothétiques soient-elles à ce stade.

Pour commencer, je dirai que je trouve très féconde cette idée de « société de production fictive » par laquelle tu définis l’activité d’abcréation. Il y a dans l’esprit même qu’implique cette formule une attitude ludique qui ne peut que me plaire. Affiche, bande annonce, teaser, t-shirts et autres produits dérivés, sampling : par son caractère protéiforme et mimétique, ta « production » (au double sens du terme) me paraît un bel exemple de ces démarches postdisciplinaires qui sont à mes yeux l’une des manifestations les plus singulières de l’art actuellement. Ici, la création dite visuelle ou d’art ne craint pas de mettre en jeu son identité en prenant le risque d’ étendre ses formes (et de se confondre) à la multiplicité contemporaine des produits et techniques du visuel et des médias. Démarche postdisciplinaire, donc, en cela qu‚elle recourt selon le contexte à tout médium ou technique opportune à sa visée, qu‚elle fait feu de tout bois sémiotique pour s‚ immiscer et paraître au sein même du réel. La chose est évidemment de moins en moins nouvelle, mais l’historien en moi ne cesse de m‚en étonner.. Que l’artiste, c’est-à-dire : un individu, atteste la singularité de sa contribution en s’appropriant pareille infrastructure de production ubiquitaire pour en user comme d‚un langage, voilà qui devrait nous faire réfléchir sur les conditions contemporaines de l’existence et de la vie du sens au sein d’un stade avancé du spectacle. Les moyens de la production sont, aujourd’hui, éminemment diffus et immatériels, presque, parce que la production est en grande partie non matérielle, si bien que la seule diffusion de la représentation d’un état de choses suffit à en implanter l’ idée et à le faire exister, en un sens. Je lis en ce moment « No Logo », de Naomi Klein, et dans ton travail résonne justement le caractère envahissant de la pub et des marques dont l’auteur démonte les mécanismes, pub qui joue, parodie, subvertit, parasite, et que sais-je encore, les réseaux de communication et les espaces de vie. Je ne sais pas si tu connais ce livre, mais l’analyse que fait l’auteure de la « consommation ironique », attitude où se mêle la résignation lucide, le cynisme libérateur et l’humour serein, m’a paru saisissante de perspicacité et de justesse (p. 110 sq.), et je me demande si on ne pourrait pas y recourir pour approcher ta pratique. Mais d’où vient, au juste, cette fascination pour l’univers commercial et l’ industrie du divertissement chez tant de jeunes artistes (et de jeunes publics), ce succès actuel de ce que je suis tenté d’appeler un « mimétisme entrepreneurial » ? Mithridatisation ou complaisance ? Feinte ironique par laquelle le sujet contemporain serait apte à gagner une position de surplomb sur l’étendue tentaculaire du « spectacle », ou travestissement habile d’une reddition à l’ordre marchand ? Ce type de démarche, séduisante en cela même qu’elle épouse et révèle l’esprit du temps, implique il me semble un équilibre précaire, car la pertinence sur laquelle elle parie lui fait en même temps courir le risque de se réduire à n’être que reconduction du lieu commun consensuel. (Tu reconnaîtras bien sûr, dans cette expression de ma perplexité, la question des plus irritante posée à l‚endroit du Pop art, dont on se demande toujours s‚il est une critique cynique de la société de consommation ou une pure et simple émanation du phénomène.) Que penses-tu, à ce propos, de la remarque de Fabrice Gallis, qui faisait état, dans le courriel qu’il m’adressait récemment, de sa relative perplexité face à la vogue des produits dérivés chez les artistes ? Je conclurai par un propos d’ordre plus technique sur ton projet « Ninja’s Gate », qui pourrait en fait s’appliquer aussi, je pense, à ton site lui-même comme à ton projet de mars pour la Unplugged Session du Collège, une offre de t-shirts où le don coïncide avec la campagne de marketing. « Ninja’s Gate » me semble permettre une double possibilité de lecture selon la description que tu en fais. D’une part, il semble motivé par le jeu intransitif du renvoi, un peu comme s’il s‚agissait d’étourdir (et de s’ étourdir) par la création effervescente de signes flottant dans l’apesanteur sémiotique (un peu à l’image du simulacre de Baudrillard). Me rappelant par exemple les liens aux pages personnelles des « Noëlle » que Noëlle Pujol a espièglement insérés dans sa propre page, je me rends compte qu’il en va peut-être, aussi, de la simple jouissance de créer des chemins de traverse, de multiplier les occasions de détournement, les entorses à la routine ou à l’unidimensionnalité des choses. (Je pense à cet égard à ce site où Matthieu Laurette fournit la « recette » d’une rumeur à faire courir pour perturber deux entreprises rivales) Le signe et la production ne serait pas ancrés à un référent, et nul contrat ne les lierait au monde ou à quelque logos, ils signifieraient, et se dépenseraient, en pure perte. L’autre mode de réception consiste plutôt à supposer à tout ce branle-bas une intention, à motiver ce réseau de signes comme dispositif iconographique au service d‚une signification, d‚un « message » à délivrer à l’interprète. (Sans doute bien sûr ces types de lecture sont-ils présents tous deux à quelque degré dans le travail.) Car je me suis évidemment demandé en prenant connaissance de ton projet : pourquoi le ninja ? Pourquoi la superproduction hollywoodienne, ou encore la culture de divertissement asiatique ? Cette connaissance plus approfondie et détaillée de ton projet me permettrait justement d’en apprécier la singularité, de le distinguer au sein du paradigme que constitue déjà le simulacre de film (je me rappelle deux autres manoeuvres qui exploitaient ainsi le créneau du film fictif : le duo COM & COM (J. H. Heidinger et M. Gossolt) à la dernière Biennale de Venise avait créé une bande-annonce avec effets spéciaux à la clé, affiches et flyers promotionnels (C-Files : Tell Saga); et le Néerlandais Gianni Plescia, ici même à Montréal, avait présenté les photos de plateaux d’un film encore là imaginaire). Là-dessus, je m’interrompt dans l’espoir d’une réponse qui me permettra de préciser ces hypothèses. Beaucoup de questions de fond me semblent posées par ton travail, et il me faudrait une expérience directe et aussi complète que possible pour pouvoir y répondre.

À bientôt et bon travail,

Patrice Loubier

Aurélien Bambagioni ou l’ABC de la production

Avec ABCréation, on imagine retourner à la case départ, au temps de l’adolescence et de quelques sit-com insipides servies à l’heure du goûter. Mais aujourd’hui, Dorothée ne mène plus le bal et AB Création n’a aucun lien de parenté avec AB Productions, l’agence de production de sit-com qui eut son heure de gloire jusqu’à la fin des années 90. A ceci près que ce site d’artiste est né en 1996, au moment où les sit-com rasoir foisonnaient tout en approchant lentement de leur déclin.

Est-ce que le créateur d’AB Création, Aurélien Bambagioni, a mis une touche d’ironie en créant son site. Est-ce que les « SITuations COMiques » mais ennuyeuses font partie de son projet. Loin de là sans pour autant se prendre trop au sérieux non plus! L’artiste a surtout mis en valeur les initiales de son nom: A pour Aurélien, B pour Bambagioni et C pour Création. Et de tout cela résulte le b.a.ba d’une agence de production fictive qui propose à l’internaute différents services. A l’image d’une télé sur le Web, ou plutôt d’une « autre » télé qui requiererait un autre regard, Aurélien Bambagioni propose différentes séquences dans lequelles il peut être acteur, silhouette, DJ ou figurant, mais toujours créateur et surtout producteur. AB Création ouvre l’éventail des possibles. La distribution des rôles est vaste et la schyzophrénie n’est pas vécue sur un mode malsain. Des séries incarnées par des héros, de fausses publicités, des bandes-annonces, des séquences sonores, des possibilités de DJing en ligne, des clips… tout y est jusqu’au fan-club où l’on peut s’offrir des T.shirts et autres objets dérivés. Bref, des créations à la fois pop et ludiques signées Bambagioni.

Les toutes dernières séquences vidéos du site sont d’ailleurs liées à un environnement tout en couleurs puisqu’ils nous viennent du pays des gadgets et du manga: le Japon où l’artiste s’est récemment rendu. Aucun risque donc de croiser par le biais d’AB Création, Hélène et ses potes soporifiques. Ni de savoir si oui ou non Hélène doit porter son pull rouge ou plutôt sa jupe verte pour aller la cafète du lycée. Au contraire, la petite lucarne informatique joue des sens de l’internaute et l’invite même à la réflexion. L’artiste ouvre d’ailleurs son site sur une citation de Marx réadaptée aux conditions actuelles, celles des années 00, et notamment au sampling: « Dans la société abcréation, je ne suis pas enfermé dans un cercle exclusif d’activité, et je peux me former dans n’importe quelle branche de mon choix… C’est la société qui règle la production générale, et qui me permet ainsi de faire aujourd’hui telle chose, demain telle autre chose, d’être acteur le matin, producteur l’après-midi, DJ le soir et de m’adonner au Webmastering après le repas, selon que j’ai envie, sans jamais devenir acteur, producteur, DJ ou Webmaster. »

Un abc de la liberté livré en kit ou une nouvelle définition de l’individu à l’heure du sampling et de la Globalisation? Le profil surtout aiguisé d’un héros de notre temps soit l' »opérateur », cet être multi-fonctions qui mixe les rôles sans jamais s’échapper de ses objectifs ni de la réalité. Bref, tout un programme !

Anaïd Demir, 2001

What is abc ?

« Dans le société abcreation, je ne suis pas enfermé dans un cercle exclusif d’activité, et je peux me former dans n’importe quelle branche de mon choix… C’est la société qui règle la production générale, et qui me permet ainsi de faire aujourd’hui telle chose, demain telle autre chose, d’être acteur le matin, producteur l’après-midi, DJ le soir et m’adonner à la critique après le repas, selon mes envies, sans jamais devenir acteur, producteur, DJ ou critique.« 
Aurélien Bambagioni


Villa Kujoyama, Kyoto, été 2000

Aurélien Bambagioni, surfeur d’argent.

Aurélien Bambagioni fait partie de cette jeune génération d’artistes qui applique sans complexes le programme défini par le critique Nicolas Bourriaud lorsqu’il écrivait : “ L’artiste n’a plus pour but de produire des objets, mais des rapports au monde, des modèles de fonctionnement, mis en mouvement dans des entreprises ”. Evidemment, ces modèles ont encore besoin de vecteurs matériels sous forme d’objets ou d’images, mais la part la plus importante de leur réalisation passe par le création d’évènements et le détournement des réseaux de communication.

En endossant résolument les attributs du chef d’entreprise, Aurélien Bambagioni devient acteur de sa propre production, et il donne à sa société AB Création la dimension d’une véritable entreprise médiatique en explorant tous les supports à sa disposition, Internet, cinéma, merchandising…
En contractant le monde des signes comme territoire de sa production, il devient sémiote, sa trajectoire est celle du surfer lorsqu’il déchire l’enroulement de la vague. Mais dans le territoire des signes rien n’est univoque, et cette figure du chef d’entreprise, équivalent moderne du prince charmant, Aurélien Bambagioni la double du négatif Warholien de la star, Pop-star ou vedette médiatique, héros éphémère, marionnette et déchet de la Société du Spectacle. Cette Société du Spectacle, il en saisit les rênes délirantes comme un guerrier sur le dos du dragon, et il en pervertit les codes comme un hacker pirate des données informatiques. Avec lui, il y a toujours duplicité de la figure, dédoublement des signes, pour mobiliser la puissance du spectacle au profit de sa propre entreprise, revisitant, remixant cette sentence de Guy Debord : “ Le spectacle édifie son unité sur le déchirement, de sorte que la division montrée est unitaire, alors que l’unité montrée est divisée ”.

AB Création nous invite à contempler une extension du réel édifié dans le miroir de la société contemporaine et de ses mythes, et ce reflet nous éblouit comme les éclairs de ce super-héros de la Bande Dessinée américaine, le Surfer d’Argent.

Jean-Luc André, 1999